15 novembre 2022

Nouveau podcast MécaSphère : Chiara Danieli, Groupe Bouhyer

L’épisode 8 de « MécaSphère, le podcast de la communauté industrielle » donne la parole à Chiara Danieli, Bouhyer, adhérent Fédération Forge Fonderie. Elle raconte son parcours, ses engagements locaux, ses craintes en lien avec le recrutement mais surtout sa passion pour son métier. Elle partage la vision de Steve Jobs « Soyez insatiable, soyez fou ». Pour elle « c’est en suivant sa passion que l’on accomplit de grands succès ».

C’est à découvrir et à partager ici !

 

  • Retranscription du podcast : 

L'Industrie, c'est une affaire de temps long. d'Invention révolutionnaire. De société qui évolue sans cesse. Mais l'industrie, c'est avant tout des femmes et des hommes qui transforment leurs idées en réalisations concrètes, qui passent des rêves aux procédés et des procédés à la production. Mais qui sont ces industriels ? Qu'est ce qui les fait avancer, les mobilise au quotidien ? C'est à leur rencontre que nous vous proposons d'aller. Je suis Isabelle Douvry, directrice de la communication de la FIM, et je suis ravie de vous présenter ce nouvel épisode de MécaSphère, le podcast de la communauté industrielle.

Bonjour, je suis Chiara Danieli. Je suis dirigeante du groupe Bouhyer. Je suis Italienne d'origine, et venue en France pour le rachat de l'entreprise en 2007. Depuis, je suis naturalisée française. Je suis européiste convaincue car j'ai une culture très axée sur les valeurs de l’Union européenne, la démocratie, la liberté. J'ai eu la chance de grandir dans une période historique, une société libre qui ouvre des opportunités uniques aux femmes en particulier. Je ne peux qu'être reconnaissante de cela. Je suis diplômée de l'université de Turin en économie. La finance a été depuis toute petite une vocation. Ma mère était enseignante de mathématiques. Elle m'a passé le goût des chiffres et je l'accompagnais toujours à la banque. J'étais fascinée par ce monde financier et économique.

Dans ma région natale, le Piémont, il y a une forte activité industrielle. L'activité industrielle donne du travail à tout le monde. Mon père était ingénieur de production. Il a géré des entreprises toute sa vie. Donc ma vocation a été aussi celle de la synthèse entre ces différents points de repère : la finance d'un côté et le monde industriel de l'autre côté.

Quand je suis sortie de l'université, j'ai été tout suite embauchée par le groupe Fiat dans le service d'audit interne. Depuis, je ne suis jamais sortie du monde industriel. Après mes études universitaires en économie, j'ai travaillé dix ans dans l'audit interne chez Fiat. C'est une expérience très formatrice qui m'a permis d'avoir un regard très analytique et aussi une vision large du fonctionnement des différents secteurs d'activité, des typologies d'entreprises différentes, des processus industriels, des cultures.

J'ai visité cette fonderie [Bouhyer] parce que je cherchais une entreprise à reprendre. Je travaillais à Paris auprès d'un bureau d'intermédiation, entre des managers et des entreprises en vente. Et parmi les différents dossiers qui m'ont été présentés, il y avait le dossier de la fonderie Bouhyer qui était une fonderie, en bonis qui marchait très très bien. Elle avait tout simplement un patron à l'époque, qui devait céder l'entreprise parce qu'il était plutôt âgé. La visite de la fonderie, ça a été un déclic à cause notamment de la solidité du processus industriel, la solidité du produit, le vrai savoir-faire des employés et un marché final très solide.

Des clients très solides aussi, surtout en Allemagne, sont des clients très fidèles. Donc tout ça, c'était très convaincant pour aller investir dans cette entreprise. La Fonderie a une entreprise centenaire qui fabrique des grosses pièces en fonte pour le marché des engins de levage, de manutention et de travaux publics. Nous avons 300 employés sur deux sites Ancenis, en Loire-Atlantique, et Revin dans les Ardennes. Nous exportons 90 % de nos produits vers l'Allemagne car c'est là où il y a les plus importants producteurs de machines de levage. Nos clients exportent après leurs machines dans le monde entier.

Nous utilisons comme matière première du métal de recyclage, ce qui nous permet d'être aussi intégrés dans le cycle de l'économie circulaire qui est très intéressant et très important en ce moment. L'événement le plus marquant dans ma vie de cette entreprise est sans doute la signature du contrat d'achat de l'entreprise qui a changé complètement ma vie. J'ai mis un moment à passer psychologiquement du statut d'employée au statut de dirigeante d'entreprise. Au début, ce n'est pas évident. Il faut faire ce pas parce que les autres s'attend à voir une vraie posture de dirigeante et donc cela s'acquiert petit à petit. Ce n'est pas immédiat.

Pour être une bonne cheffe d'entreprise, il est très important d'avoir une vision et une stratégie. Savoir donner cette vision et cette stratégie et la partager avec les équipes, c'est fondamental pour donner du sens et on sait ô combien c'est important pour les équipes aujourd'hui de savoir où on va et pourquoi on fait ces choses-la. Avoir du sens dans le travail devient fondamental.

Après, il faut savoir s'entourer des bonnes équipes parce que tout seul, on ne fait rien. Il est fondamental d'avoir des équipes qui soient fidèles, qui soient correctes, alignées avec le projet de l'entreprise. Ça, c'est très, très important. L'ambiance à l'intérieur de l'entreprise est très importante aussi. Il faut savoir la soigner et donc être à l'écoute des équipes mais aussi de l'environnement autour de l'entreprise pour avoir la connaissance des signaux faibles. Pour faire ça, il est très important d'être en contact permanent à l'intérieur de l'entreprise, mais aussi à l'extérieur. Donc participer par exemple au syndicat professionnel et patronal est un avantage considérable pour percevoir les défis de demain.

Le week-end souvent je travaille encore parce que je n'arrive pas à tout faire dans la semaine. La semaine est plutôt axée sur les relations sociales, sur les réunions, sur les différentes instances auxquelles je participe. Le week-end, je prépare mes dossiers, donc j'ai très souvent des week-ends de travail. Il y en a aussi, heureusement, qui sont libres. Mais ça commence à devenir de moins en moins le cas. Mais mes week-ends de travail sont assez fréquents. Mais il faut dire aussi que les dossiers que je prépare me passionnent aussi. Donc c'est un mélange entre le travail et aussi d'intérêt. Ce n'est pas que de la souffrance, c'est beaucoup d'intérêt et aussi de patience.

Have the courage, to follow your heart and intuition. They somehow already know what you truly want to become. Everything else is secondary.

Le discours de Steve Jobs à l'université de Stanford en 2005, c'est un vieux discours, mais qui est toujours d'actualité. Il parle en fait de comment il a bâti son succès. Et c'est un discours extrêmement inspirant parce qu'on voit effectivement qu'il faut continuer à suivre sa propre vocation, sa passion. Et c'est comme ça qu'on bâtit les grands succès. Il termine son discours en disant "Soyez insatiables, soyez fous !" Ça veut dire aussi continuer à investir en vous. Continuez à être curieux, continuez à rêver. C'est ça qui permet en fait de trouver les meilleures solutions et d'avancer positivement. Je pense que c'est le plus beau discours inspirant qui a été fait dans l'histoire. Je continue à m'en inspirer.

La Chambre de commerce, le Medef, les Fondeurs de France, l'Association de fonderie européenne et la FIM sont tous ces engagements qui m'ont donné une autre dimension de mon travail qui m'intéresse beaucoup et qui m'ont aidé aussi à découvrir un autre aspect de ma personnalité. À développer aussi une capacité qui est celle de la représentation des intérêts un peu plus large d'une industrie ou d'un secteur d'activité. Et donc ce sont ces engagements très importants qui m'ont beaucoup aidée à me dépasser sur un aspect que je ne connaissais pas de ma personnalité, celle de la représentation publique.

Je fais partie du projet Territoires d’industrie qui a été lancé en 2018 par le Premier ministre en France. Je m'occupe de la zone industrielle d'Ancenis. Ici comme dans beaucoup de zones industrielles qui sont dans des zones rurales, on a vraiment une grosse problématique autour de la formation industrielle. Nous avons un gros problème autour du logement et autour de la mobilité dans les territoires ruraux. Il n'y a pas de la mobilité. Avec l'augmentation très forte de coût de la mobilité et avec aussi les enjeux climatiques, je pense qu'il faudrait réfléchir à de la mobilité publique pour que le coût de mobilité dans les zones rurales soit réduit. Ça pourrait attirer des familles parce que ce n'est pas seulement pour les salariés qui encore, font de la mobilité collective de covoiturage, c'est aussi pour leurs familles. C'est le cas en Italie ou en Allemagne. Il y a des transports publics dans les zones rurales. En France, il n’y en a pas et pour moi c’est un frein dans le développement des zones rurales et industrielles.

A cela s’ajoute aussi une crise du logement très importante en Loire Atlantique et en particulier dans la zone d’Ancenis. Les besoins en logement sont énormes, les prix explosent et donc les collaborateurs n’arrivent plus à se loger. Et puis il y a le troisième problème qu’est la formation industrielle. On n’a pas d’école industrielle pour les jeunes générations et donc les jeunes s’éloignent de notre territoire pour aller trouver du travail dans les zones métropolitaines. Et ça c’est, je pense, une autre problématique des territoires industriels qu’il va falloir affronter si on veut vraiment réindustrialiser la France.

J’en parle dans toutes les instances dans lesquelles je suis : à la Chambre de Commerce, au Medef mais aussi aux Fondeurs de France et à la FIM parce que je pense que ce sont des problématiques qui ne sont pas particulières à la zone d’Ancenis mais qui sont plutôt étendues à toutes les zones industrielles françaises. Pour moi c’est un combat plus large et un combat de longue durée. Il va falloir, par exemple, raccourcir les temps d’autorisation pour créer du logement. Des temps qui sont extrêmement longs en France ce qui empêchent de facto de créer facilement des nouveaux logements.

Aujourd’hui la grande difficulté c’est le recrutement du personnel. Une fois qu’elles sont recrutées, il faut savoir motiver les personnes pour les garder. Donc l’axe de relation sociale, de l’écoute du personnel, devient primordial dans la gestion de l’entreprise. La guerre en Ukraine est pour moi liée à la crise Covid, dans le sens où cela a changé les relations entre les nations et impacté les équilibres mondiaux. Cela a accéléré encore plus toutes ces tendances.

Nous n’avons pas subi beaucoup de démissions après la période Covid parce que nous avons une population de collaborateurs assez fidèles et de longues dates. Ce n’est pas ça qui a changé mais plutôt la difficulté de recrutements. On voit qu’il est beaucoup plus difficile d’engager sur le long terme des personnes. On a beaucoup de personnes qui s’inscrivent dans des périodes courtes, en interim ou en CDD, qui ne veulent pas s’inscrire dans un engagement de plus longue durée avec l’entreprise. Aussi on constate que souvent les jeunes veulent faire du télétravail et ce n’est pas toujours possible dans une industrie. Ils souhaitent avoir beaucoup plus de temps libre, donc faire engager les jeunes et faire engager les nouveaux recrutements c’est beaucoup plus compliqué après la période Covid. On investit beaucoup en formation et on n’a pas toujours le retour sur investissement. Et ça c’est problématique.

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Mecallians est la banière commune des industries mécaniques, créée à l'initiative de la FIM, du CETIM, de l'UNM, de Sofitech et de Cemeca.